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02/02/2015

Pour une débénabarisation du quotidien 123/129

Reprise du web-feuilleton poétique à quatre mains, dont celles de Manu Campo. Ici l'épisode précédent.

 

123) MESDAMES & MESSIEURS VOTRE ATTENTION S'IL VOUS PLAIT - EN RAISON D'UN INCIDENT TECHNIQUE, CETTE RAME EST ARRÊTÉE POUR UNE DURÉE INDÉTERMINÉE - MERCI DE NE PAS TENTER D'OUVRIR LES PORTES - EN CAS DE PANIQUE, NE PANIQUEZ PAS - LES PERSONNES SUSCEPTIBLES DE SOUFFRIR DE CLAUSTROPHOBIE OU DE SPASMOPHILIE SONT PRIÉS DE SE RAPPROCHER DU DÉFIBRILLATEUR SE TROUVANT À L'AVANT DE CETTE RAME - MERCI DE VOTRE

 

124) C'est comme une mélodie dans la tête. On le sait depuis les Grecs, chacun a besoin d'une mélodie pour survivre à sa journée. Quand le niveau de vibration statique émise par l'ensemble des cerveaux d'une société baisse, les autorités envoient un petit stimulus et la machine repart. Les cœurs battent. Et les cerveaux s'en retournent à leurs occupations. D'abord la bouffe. Puis le papier peint. Après, l'amour. Tu vois mon fils, pour le droit des peuples à disposer et toutes ces jolies choses, on a le temps, on a le temps.

 

125) (La Nature Sauvage me regarde d'un œil ensommeillé. Il écoute, je ne sais pas ce qu'il comprend. Pour lui, AMOUR, ça veut dire la même chose que MANGER. Il faut faire gaffe au parc. Il a déjà arraché un bras à deux assmats et unijambé une fliquette municipale. Les pédiatres disent que c'est normal, qu'il faut bien le laisser s'exprimer, tant qu'il ne perturbe pas la minute de silence il n'y a pas lieu de s'alarmer. Et puis tout le monde le trouve si mignon. Nous, on se dit qu'il vaut mieux AMOUR avec membre arraché que pas d'amour du tout.

 

126) (Au square) Les gens sont là. Les gens sont vivants. Les gens sont tout à fait capables de vivre malgré tout. Ils engueulent leurs gosses comme si le plus urgent était les bonnes manières et pas les abris antiatomiques. Je cours pour épousseter la Nature Sauvage. Je m'excuse auprès de la dame. Pas de problème, elle dit, il lui a seulement bouffé son bonnet. C'était un vieux bonnet, il avait fait son temps. Et puis, il est mignon, il a vos yeux, non ?

 

127) Les yeux de la Nature Sauvage ont présentement l'aspect du goûter que j'ai oublié. S'il savait ce que je sais, il serait aussi allé au square, mais il se serait posé tranquillement sur un banc et il aurait ouvert une 8.6. Et il n'aurait pas loupé la chaleur d'un cm² sur sa peau.

 

128) Ce que je sais de cet enfant : comment ne pas exhaler ma peur. Comment être certain, même devant un détecteur de mensonge. Comment choisir au pif une réaction possible et s'y tenir comme si c'était ce qu'on appelle la bonne. Comment garder les clés de la marche du monde et n'en laisser filtrer qu'une pincée après l'autre, toujours avec miroir déformant. Comment commencer à haïr ce qui ne semble pas normal. Comment recongeler le monde après l'avoir décongelé en attendant qu'une autre génération fasse l'effort d'aller au magasin. Comment faire comme si mes doutes et mes tares génétiques étaient de simples marques de caractère, bien pardonnables, bien pardonnables. Comment entendre parles de crédits et de placements à la pause de midi et comment ne cracher sur personne.

 

129) Chérie, tu le croiras jamais. J'ai rêvé que je parlais comme un vrai connard. Je sais, je sais. Mais comme un vrai connard qui sait. Qui ne doute pas. Qui nous aurait réglé ça en deux temps et dans le sang s'il était le gouvernement. Alors chérie, je peux le dire, maintenant je sais ce que c'est la vivre sans la boule dans l'estomac. Je sais, maintenant. Ce que c'est que la détente. Et tu sais pas le plus fort ? J'étais le meilleur pour allumer un barbecue.

17/01/2015

Pour une débénabarisation du quotidien 111/117

111) Il faut que je t'emmène mais il ne faut pas que je te casse. Il faut que ça défile mais il ne faut pas que je t'enrhume. Il faut que le paysage par la fenêtre ne soit qu'une traînée abstraite de prés de poteaux de vaches de maisons de garde-barrière mais il ne faut pas faire d'amalgame. Il faut que je sache, que je sois sûr, mais il ne faut pas que je sois injuste.

 

112) Je te tiens, tu me tiens. Bien. S'il n'y a qu'un parachute on tombera ensemble. C'est déjà ça.

 

113) Éteins cette télé, s'il te plaît. C'est notre ennemi.

 

114) Notre ennemi n'est pas notre ennemi par les idées qu'il véhicule. Ce ne sont pas les rires enregistrés qui rongent nos cerveaux. Et mes reins. Et tes seins. C'est son flamboiement. Les ondes de lumière. Les vibration. Le feu est dans la grotte, et nous, homo sapiens, trop contents mais trop faux-culs, trop contents d'avoir exterminé le dernier terroriste néandertalien mais trop faux-culs pour reconnaître que c'est le sens de l'extermination qui nous fait hommes, nous sommes tout au feu, tout à la vibration, tout à l'ennemi, serrés les uns contre les autres. C'est le rite, et l'attention qu'elle nous suce. L'hypnotisme. Ce bouillon d'endorphines. Auprès de toi, ma belle, je me suis habitué à être ce corps compliqué avec son système neuronal de récompense. Que ce soit plein d'endorphines et qu'on appelle ça l'amour. Que ce soit ce canapé, ces odeurs, et cette certitude que ce coup-ci on ne nous enlèvera pas le monde autour.

 

115) Enlève-moi cette certitude. Elle me fait grossir.

 

116) TENIR. Se réveiller avec cette voix. Tu t'es endormie tout de suite et je t'entends ronfler et mon rêve le plus fou c'est soulager ma vessie et bouger ma jambe gauche. J'ai une crampe. Mais là est l'espoir, ma belle. Ce film est incompréhensible. Il n'a pas de morale pas de projet de vie. Il n'a qu'un murmure.

 

117) Silencio, ma belle.

 

Vous avez raté l'épisode précédent ? Il est ici, chez Manu Campo.

12/01/2015

Pour une débénabarisation du quotidien 101/105

101) Génial le Poême ne sait plus dans quelle direction aller. Il improvisera, comme d'habitude.

 

102) Le réveil est toujours un moment piégé. Le réveil modifie le réel. Parfois c'est plus léger. C'est même pour ça qu'on s'en sert si souvent. Aujourd'hui tout pèse des milliards de tonnes. Il faut faire un pas plus un pas plus un pas. Aller à la cuisine.

 

103) Aujourd'hui il ne fallait pas allumer la radio. Il le savait, il l'a fait, il ne peut s'en prendre qu'à lui-même.

 

104) La radio a quelques problèmes avec la notion de genre. Elle ne sait pas si elle fait de la poésie de la science-fiction ou de l'épique macabre. C'est très dangereux, une radio. Et c'est la même éclaboussure de marc de café dans la même poubelle trop pleine. C'est la même nausée, comme si tout était normal.

 

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(pas encore morts. Pas tout à fait, pas tous, pas comme ça. Les nouvelles la proximité des tirs les hélicos de l'armée. Un jour plus un jour plus une         pause)

 

105) Aujourd'hui il est l'homme qui a rêvé qu'il descendait les poubelles et qui s'aperçoit au réveil que tout est à refaire.

 

L'épisode précédent ici, toujours chez Manu Campo.